« Le culte des morts a occupé d’emblée une place centrale dans la liturgie fasciste. Il fut sans doute l’expression la plus forte de sa croyance séculière et de sa conception héroïque de la vie : « il faut s’approcher du martyre avec la dévotion du recueillement et de la méditation comme le croyant s’agenouille devant l’autel d’un dieu, avait écrit Mussolini en 1917. Commémorer signifie entrer dans cette communion des esprits qui lie les morts aux vivants, les générations qui furent et celles qui seront, l’âpre douleur d’hier et le devoir plus âpre encore de demain. » La « confession de foi » par le sacrifice de la vie était la valeur suprême de la religion fasciste. La symbolique du sang régénérateur et fécondateurs des martyrs se développa autour du culte des morts (…)
Les funérailles des fascistes tués étaient certainement d’un point de vue émotionnel, les rituels les plus forts et les plus prenants pour les participants comme pour la foule des spectateurs. Le cortège formé par toutes les organisations fascistes équipées de leurs fanions et drapeaux s’avançaient lentement à travers les rues, au son des tambours et des marches funèbres, passant devant les magasins fermés en signe de deuil. Lorsque le rituel se déroulait en soirée, l’atmosphère était rendue encore plus suggestive par la lueur des flambeaux. L’appel constituait le moment culminant de la cérémonie : l’un des chefs des squadre criait le nom du mort et la foule, à genoux, répondait : « Présent ! » Élevés au rang de héros et de saints dans l’univers symbolique fasciste, les morts veillaient de façon charismatique sur la communion des fascistes en continuant à vivre dans leur mémoire. Ce rituel de l’appel exprimait le lien sacré entre les morts et les vivants, réunis dans la vitalité de la foi : « La vie éternelle naît de la mort ; la mémoire de l’individu rejoint à jamais l’âme de la Nation. » Ainsi ce rituel de l’appel devint le rite fasciste par excellence, le témoignage le plus haut de la religiosité des fascistes, et fut célébré, durant les années du régime, pour tous les morts qui s’étaient distingués dans l’histoire de la révolution et dans la vie de la nation. »
Emilio Gentile. La religion fasciste. Perrin.
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